Quand j'étais petit et qu'on me demandait ce que je ferais plus tard, je répondais invariablement -allez savoir pourquoi- "concierge" ou "éboueur".

Elève discret, pas mauvais mais bon en rien en particulier, je préférais passer les cours à dessiner des monstres et des super-héros mal proportionnés dans les marges de mes cahiers, tout en rêvassant à la possibilité d'avoir une montre-gadget qui me permettrait d'arrêter ou accélérer le temps, ou encore à essayer d'attraper le regard d'Anna la Polonaise, poil de carotte au visage recouvert de taches de rousseur, la fille dont j'étais alors amoureux.

 

Les cours de dessin venaient comme un soulagement. Pour une fois, je ne me ferais pas engueuler pour m'être fait gauler en train de gribouiller au lieu d'écouter pourquoi l'Archiduc Franz Ferdinand avait été assassiné à Sarajevo et quelles furent les conséquences désastreuses de cet acte pour l'humanité, choses dont je me foutais éperdument à l'époque.

 

Cet état végétatif, où je n'étais passionné par rien et où je me débrouillais pour m'en sortir en travaillant mes cours à minima dura jusqu'à la fac.

Le dessin, jusqu'alors, n'était qu'un refuge où je m'enfermais par moment pour échapper à ma "triste" condition d'adolescent "incompris" qui rejetait la société et ses principes matérialistes.

Quittant la Norvège mais pas l'adolescence où je semble être resté coincé, je suis venu en France, à Lyon, pour y faire d'abord des études d'architecture, puis suivre des cours à la prestigieuse Ecole Emile Cohl où je me spécialisais dans l'illustration et la bande-dessinée.

 

Ce parcours me permit de réaliser un secret désir. Non, je n'ai jamais rêvé de devenir un dessinateur professionnel -jusqu'à la fin de mes études je n'en imaginais pas la possibilité-, mais plutôt de passer mes journées à rêvasser et à dessiner.

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