On nous a déjà fait le coup au Présidentielles de 2002. À cette époque on a tout de même pu aller manifester massivement pour exprimer notre refus de l’extrême droite sans se faire taper dessus par le pouvoir en place. Aujourd’hui ce n’est plus la même donne.
Quelques années plus tard, alors que Marine « fille de » sonnait de nouveau aux portes du pouvoir, ma copine – craignant pour mon avenir d’artiste-immigré
précaire – m’a exhorté à déposer une demande pour être naturalisé.
J’étais assez peu motivé à l’idée d’entamer les démarches, par flemme administrative principalement. Aussi parce que j’avais été un peu dépité par les raisons
du refus de ma précédente demande, bien 10 ans auparavant, au motif qu’étant né en Chine, il faudrait que je fournisse un acte de naissance chinois, alors que je suis citoyen turc, né de
parents turc – à Pékin certes : Kafka si tu m’entends !
Mais je l’ai néanmoins fait, rajoutant à ma copine réjouie – à moitié sérieux et un peu par bravade – que si jamais elle (Marine, pas ma copine, qui ferait une
bien meilleure dirigeante) accède au pouvoir, je quitterais la France.
Par peur et par dépit, et non pas pour obtempérer à son slogan de « tu l’aimes ou tu la quittes », car pour de vrai je l’aime, ce pays et son accueil : je m’y
suis construit et j’y mène une vie riche, entouré de mes ami·e·s, de mes diverses familles, avec un accès à cette culture grandiose, nourrie par une multitude des gens qui viennent d’horizons
et de pays divers… N’en déplaise à quelques réactionnaires qui voudraient la figer et la barricader.
J’ai commencé à écrire tout ceci en pensant être aussi solennel que possible, en lançant une phrase choc sous forme du meilleur – et certainement du plus
égocentrique – argument électoral possible : que « selon les résultats du vote, je déciderai si je dois rester parmi vous ou pas ! »
Mais en vrai je n’ai qu’une seule pensée, certes naïve, c’est l’espoir que la France – cette terre d’accueil – le restera, que son peuple dont je fais partie
prendra de meilleures décisions que celles que je redoute, et que ce pays continuera à privilégier les principes d’acceptation de l’autre, de l’entraide, de la mixité, du multi-culturalisme
et de l’ouverture au monde.
« Les couleurs de la France »
Dessin à l’origine paru dans le Monde - 2012
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