Je n'ai rien inventé, j'avais entendu ça-à peu de mots près- il y a plus de vingt ans un dimanche soir quand je gardais le bar associatif de mon atelier d'antan -Art'com-, vers Perrache à Lyon. Un dimanche tranquille en somme, et je pensais pouvoir fermer plus tôt pour aller soigner mon mal de trop de boisson de la veille au soir, en rentrant me mettre devant le téléfilm de M6, quand ont débarqué deux ex-taulards très éméchés qui avaient été en cellule ensemble. Un Corse plutôt basané et un Skin, curieux mélange. Quand le Skin se mettait à faire le salut nazi et des chants ad-hoc, son ami corse s'énervait très fort devant les provocations de son copain de chambrée, l'insultait en disant "J'aime pas ces chants nazis ! Arrête !" et ils se chamaillaient en se battant gentiment pour rire. Enfin pour rire selon eux car les deux-trois autres clients et moi, on rigolait pas fort et on sentait qu'à tout moment la situation pouvait déraper, notamment au vu de ce qu'ils nous avaient racontés. A savoir que dans le bar précédent où ils avaient été, un autre camarade qui n'avait pas tenu sa promesse de payer toute la note de leurs tournées (700 francs à l'époque, un peu plus de 100 euros, une certaine somme pour moi qui sortait de mes études) s'était fait casser le nez par le Corse. "Il m'a dit qu'il payerait pas, alors je l'ai frappé, il est tombé par terre, et je lui ai mis des coups de pieds dans la gueule jusqu'à ce qu'il pisse le sang alors on est partis" m'a-t-il dit avec un sourire innocent, me faisant un petit clin-d'oeil l'air de rien. Dans le bar ils ont réglé rubis sur l'ongle chacune de leurs boissons, payant des tournées aux deux clients et à moi qui - résignés- buvions nos demis sans sourciller. Le refus n'était pas de mise vu la tension ambiante. Puis le Skin s'est remis à chanter des slogans nazis et cette fois le Corse s'est énervé plus fort, en disant à son camarade qui a ri jaune : "t'étais pas comme ça quand tu me suçais en taule".
Strip tiré de Medley, une bande-dessinée sortie aux éditions Même Pas Mal